Mark Shuttleworth
répond en détail
Article original publié le 4 avril 2005 sur
Slashdot
par le service ça-vaut-le-coup-d'attendre
Il y a très, très longtemps, vous avez
posé des
questions
à Mark Shuttleworth
--
astronaute, entrepreneur, activiste, et maintenant responsable de la
distribution Linux Ubuntu, basée sur Debian-et-GNOME. On peut
aisément comprendre que Mark ait été occupé
avec Ubuntu,
notamment avec la sortie imminente de la nouvelle version, Hoary
Hedgehog (Hérisson Chenu).
Il a répondu ci-dessous à des questions portant sur
divers sujets allant de "pourquoi vaut-il le coup de payer pour un
voyage
dans l'espace", jusqu'à "comment un logiciel fourni avec les
sources, gratuitement, et sous licence permissive peut-il subvenir
à ses besoins et à ceux de ses
créateurs". Lisez la suite pour ses réponses.
La cible d'Ubuntu est ... ?
question de ewanrg
Je
suis curieux de savoir qui vous
voyez comme utilisateur/public cible
d'Ubuntu. Il semble que par la facilité d'utilisation, et le
"prix", vous essayiez de cibler un public qui
ne se préoccupe pas de Microsoft, ou qui cherche
à faire des choses sans pouvoir s'offrir du Microsoft.
En plus de cela
je
suis un peu curieux de savoir pour
quelle raison Ubuntu a choisi Gnome comme environnement de travail ?
Sur les machines anciennes (telles que mon HP Kayak) Ubuntu fonctionne
raisonnablement bien, mais avoir simplement une option qui teste la
machine et sélectionne alors un environnement de travail comme
XFCE ou IceWM
utilisant un thème semblable à celui de Gnome
pourrait aider à vraiment mettre en valeur des machines mises au
rebut/recyclées.
De
même, il semblerait qu'il y
ait quelques choix logiciels
qui pourraient aussi être affinés. Autant j'aime
utiliser Open Office sur mes machines récentes, autant
choisir une offre bureautique plus modeste pour les machines aux
capacités réduites semble être une option
raisonnable.
Mark
Shuttleworth : Le projet
Ubuntu vise à créer
un OS libre et de grande qualité pour tout le monde -- la
maison, le bureau et les centres de données. Nous
avons donc essayé de choisir le meilleur mélange
d'applications bureautiques en terme de fonctionnalités et
de compatibilité au lieu d'optimiser pour les
matériels peu puissants. A partir de l'unique CD
d'installation, vous obtenez un environnement de travail Gnome avec
Firefox, OpenOffice, Gstreamer pour le multimédia ainsi que
d'autres grands classiques. Nous incluons d'autres logiciels courants
sur l'ISO, comme Thunderbird, ainsi que les applications serveur les
plus
populaires (Apache, Samba, etc), qui sont ainsi disponibles sans avoir
à aller les chercher sur le réseau pendant
l'installation.
A peu près tout ce qui existe d'autre dans l'univers connu est
disponible dans les archives réseau, ainsi vous pouvez faire un
apt-get pour tout ce qui est disponible sur Debian ou un des nombreux
dépôts indépendants qui ont des paquets
.deb.
Nous les rassemblons dans notre dépôt, il est
alors facile
de trouver et d'installer pratiquement tout ce qui ne vous conduit pas
en prison.
C'est dur de choisir des logiciels à mettre en avant, mais
comme Thom May l'a
bloggué
cette semaine,
c'est
quelque chose qu'on ne
peut pas éviter.
Une des bonnes
conséquences de travailler dans le monde du libre est que
des gens ont pris les affaires en main, ont choisis leurs propres
préférences et travaillent sur
Kubuntu
(Ubuntu
mais avec KDE installé par défaut). Ca devrait sortir
avec KDE 3.4 le
6 avril, le même jour où nous sortirons Ubuntu
avec Gnome 2.10, et ça va être du tonnerre.
Je serais content de voir également un XFCE-buntu, donc
venez sur #ubuntu-devel ou #kubuntu sur irc.freenode.net si vous
souhaitez travailler là-dessus. J'aimerais aussi voir des
versions d'Ubuntu adaptées pour LTSP ou les
systèmes embarqués. Certains ont parlé
d'Enlightenment E17 sur Ubuntu également, nous devrions
donc voir apparaître un paquet de versions pour notre prochaine
édition.
C'est à la communauté Ubuntu de s'en occuper.
Ubuntu est, et sera toujours, entièrement LIBRE et GRATUIT,
c'est donc un parfait terrain de jeu pour ceux qui veulent construire
quelque chose et innover.
Qu'est
ce qu'Ubuntu a de si
particulier ?
question de Fished
C'est
une question qui sera
certainement posée de
différentes manières, mais j'aimerais vraiment
savoir ce qu'Ubuntu a de si spécial pour que ses objectifs
ne puissent pas être atteints en contribuant à
Debian ? Je suppose que vous avez vos raisons -- est-ce d'avoir le
contrôle des paquets, des versions plus
fréquentes, quoi ? Pensez-vous qu'un jour Ubuntu supplantera
Debian, ou sera-t-il simplement une déclinaison du
très ouvert Debian (par rapport à Fedora/Redhat) ?
Prenant
connaissance de vos
ressources financières, je ne
peux m'empêcher de me demander si il est prévu
qu'Ubuntu rapporte de l'argent, ou si c'est vu comme un cadeau
à la communauté ?
(Mon
nouveau système avec
Athlon 64 arrive d'un jour
à l'autre, et j'ai décidé d'essayer
Ubuntu en premier. Pour l'instant et vu de loin il me semble
très bien.)
Mark
Shuttleworth : Et bien
j'espère que votre
système AMD64 a bien fonctionné depuis que vous
avez posé cette question, et que vous êtes
prêt à l'actualiser avec Hoary Hedghog
après sa sortie :-)
Ubuntu ne remplacera pas Debian. Si les gens aiment Ubuntu c'est parce
qu'il est bâti à partir de ce système
exceptionnellement bien conçu. Debian/Sid est un
formidablement atout pour le monde du logiciel libre, même si
c'est le gamin qui casse vos jouets.
Ubuntu se base sur Sid et, tous les six mois, produit une version
sécurisée, testée et prise en charge.
Beaucoup des correctifs (publiés en continu sur
http://people.ubuntu.com/~scott/patches/ mais ne laissez pas Scott vous
raconter qu'il a fait lui-même tous ces correctifs :-) que
nous faisons sont adoptés par les mainteneurs de Debian. Sid
s'améliore donc aussi grâce à Ubuntu.
C'est
conçu pour fonctionner dans les deux sens.
J'espère qu'ensuite des gens utilisent ces versions, qui
sortent de manière régulière et
prédictibles, pour en faire des choses extraordinaires
telles que Kubuntu et GuadaLinex.
Progressivement il peut y avoir quelques secteurs où nous
prenons une route différente à Debian sur le long
terme pour cause de différences de priorités et
de planing, telles que X.org, Gnome 2.10 et probablement
OpenOffice.org2 dans Hoary. C'est pourquoi nous investissons dans
Bazar
et
baz-ng,
le système de contrôle de révision
libre qui, je l'espère, nous facilitera le partage de code
avec les distributions majeures et autres de manière
efficace.
Les
paquets Debian
question de renelicious
J'ai
lu que vous recréez vos
propres versions de tous les
paquets Debian que vous utilisez au lieu d'utiliser les paquets
d'origine. Cela signifierait qu'Ubuntu ne fonctionne pas avec les
dépôts apt normaux de Debian. Est-ce vrai ? Si
oui, quel
est le raisonnement derrière cela, et pensez-vous changer
cette politique dans le futur ?
Mark
Shuttleworth : Nous
importons tous les paquets depuis Debian ainsi
que des paquets .deb venant de beaucoup d'autres sources que vous
pouvez trouver sur
apt-get.org.
De cette
manière, si vous sélectionnez les
dépôts
"universe" et "multiverse" dans le fichier
/etc/apt/sources.list d'un système Ubuntu, vous verrez
immédiatement ce que vous auriez avec Sid, et
également presque tout ce qui est en format deb, le tout en
une manipulation.
Cela nous permet de réduire le temps passé
à vérifier les rétro-portages et les
paquets, et d'assurer qu'ils soient réellement tous
compilés à partir des sources lors de la sortie
d'une nouvelle version. Ca nous permet également, si nous
avons le temps, de faire du ménage dans les
dépendances vis-à-vis des versions de
bibliothèques parmis les 16.000 paquets.
Notre équipe principale concentre son attention sur les
applications de base pour les serveurs et la bureautique (dans "main"),
puis une équipe distincte nommée "Les
maîtres de l'univers" (plaisanterie interne) gère
tout ce qui est dans "universe" et "multiverse". Le travail de cette
équipe sur les paquets KDE a conduit à
déplacer KDE vers "main", et la création de
Kubuntu pour la sortie de la prochaine version en avril. Si vous
êtes interessés pour inclure encore plus de
paquets dans "universe" ou "multiverse", allez sur #ubuntu-motu.
Modifications
question de Daengbo
Après
avoir récemment
installé votre
distribution, j'ai été impressionné
par l'attention portée aux détails graphiques.
L'écran de connexion gdm, le thème par
défaut ainsi que les papiers-peints choisis pour le bureau
sont tous très agréables.
Une
chose qui m'a frappé a
été le
choix d'éliminer les icônes du bureau et de
transformer l'icône de la corbeille en une application dans
un tableau de bord. Pourquoi ces choix ?
Mark
Shuttleworth : Parce que
je suis le SABDFL (Self-Appointed
Benevolent Dictator For Life) -- et du signe de la Vierge ? C'est
simplement parce que ça semblait être La Bonne
Manière De Faire, respectant la philosophie d'Ubuntu de
rester simple et de faire en sorte que Ca Fonctionne Sans En Rajouter.
Un utilisateur est libre d'encombrer son bureau autant qu'il le
souhaite, mais nous ne le ferons pas à sa place :-)
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu débat lors de notre
assemblée à Oxford l'année
dernière... et je devine que nous aurons des discussions
similaires lors de notre rassemblement à Sydney fin avril,
durant lequel nous établirons la feuille de route pour
Breezy
Badger (Blaireau Jovial), notre version d'octobre.
Concevoir un environnement bureautique efficace et vraiment
agréable à utiliser procure beaucoup de plaisir.
Si vous avez de sérieuses opinions à ce sujet,
venez avec nous à Sydney ou un autre rassemblement Ubuntu et
joignez-vous au débat.
Utilisation
en entreprise
question de TheFlu
J'ai
été utilisateur de
Red Hat/Fedora durant des
années, mais j'ai décidé de faire un
essai avec Ubuntu car il a par défaut quelques paquets
parmis les plus récents (Gnome 2.8 et Evolution 2.0).
Inutile de dire que j'ai été
impressionné par la finition d'une version non officielle.
J'ai migré mes stations de travail professionnelles ainsi
que ma machine Linux personnelle vers Ubuntu.
J'ai
tout de même
été
déçu par le manque d'outils "entreprise"
actuellement inclus dans Ubuntu. Toutes nos machines clientes ici
fonctionnent actuellement avec Fedora et une installation
personnalisée par une procédure utilisant
kickstart. Ansi lorsqu'une machine rend l'âme, je peux sortir
le CD d'installation personnalisée et j'ai une machine
propre sur le réseau en 5 à 10 minutes. Est-il
prévu d'inclure des fonctionnalités similaires
à kickstart et le support NIS dans les procédures
d'installation d'Ubuntu ? J'aimerais passer la totalité de
notre entreprise sous Ubuntu si c'était le cas. Je suis
certain que d'autre entreprises également
apprécieraient l'ajout de ce genre de
fonctionnalités.
Mark
Shuttleworth : Hoary
Hedgehog, prévu pour le 6 Avril,
gérera kickstart grâce à l'admirable
travail de Colin Watson. Je ne peux pas parler de NIS. Si nous pouvons
l'intégrer proprement et élégamment
alors voyez avec nous sur le wiki d'Ubuntu à l'adresse
http://www.ubuntulinux.org/wiki/ et faites un lien depuis le planning
BOF à l'adresse
http://www.ubuntulinux.org/wiki/UbuntuDownUnderBOFs -- nous discuterons
alors de l'implémentation dans Breezy Badger.
Ubuntu devrait être excellent en entreprise. Nous n'inclurons
jamais d'outils propriétaires tels que CodeWeavers, mais
c'est juste une question de temps avant que quelqu'un ne sorte
un dérivé
d'Ubuntu
incluant du propriétaire.
Comment
obtenez-vous de l'aide pour
les tâches les moins populaires ?
question de cheros
Bonjour
Mark. Comme pour tous les
projets d'OS libre vous
dépendez presque totalement des volontaires. C'est OK pour
des projets renommés, mais par exemple pour travailler sur
un logiciel interne d'administration ou de comptabilité d'un
projet, la personne doit tout de même travailler dur sans
avoir en retour le glamour et la reconnaissance qu'offrent un Firefox
et consorts.
Avez-vous
trouvé un moyen de
l'aide pour les projets les
moins séduisants, et si oui, comment ?
Mark
Shuttleworth : Je
souhaiterais qu'il y ait une bonne
réponse à cela. Il y a tant de merveilleuses
choses que le monde du libre pourrait accomplir sur terre si nous
pouvions attirer les talents sur les projets moins
séduisants.
Par exemple j'ai subventionné le travail sur
SchoolTool
depuis deux ans maintenant, et nous commençons tout juste
à voir une communauté se former autour de
ça. Je pense que la réponse est que le logiciel
libre dépend du fait d'avoir un outil de base pour commencer
à travailler -- Il est très difficile de
fédérer une communauté à
moins que l'outil ne soit déjà largement
répandu et utilisé.
Pour passer du concept à la réalisation, il est
nécessaire d'avoir une personne avec les
compétences et la passion et l'énergie et le
temps pour créer cela, ou alors des subventions
philanthropiques ou commercialement intéressées.
Une autre chose que j'aimerais voir sont des systèmes
administratifs libres pour les gouvernements -- Toutes les institutions
du monde ont les mêmes problèmes, elles devraient
utiliser les mêmes outils et les partager librement. Alors
Kinshasa et Paris pourraient toutes deux tirer
bénéfice du libre. Mais essayez-donc de motiver
quelqu'un pour bricoler un système de gestion des eaux
usées pendant leur temps libre.
Que
pensez-vous de cette idée ?
question de xutopia
Je
passe d'une distribution à
une autre lorsque j'en trouve
une qui est meilleure que l'actuelle. Je viens juste de passer de
Slackware (avec le gnome de dropline) à Ubuntu car il a le
dernier gnome et le dernier noyau. Mon frère est si
impressionné par Ubuntu qu'il est en train de remplacer son
Windows. Il est également un peu dubitatif concernant la
sécurité sous Windows. Il effectue actuellement
une copie de sauvegarde et fait le transfer des fichiers, et tout cela
est plutôt fastidieux. Nous avons eu une idée pour
rendre cette tâche plus rapide et nous aimerions avoir votre
opinion là-dessus.
Serait-il
possible d'avoir un CD
d'installation d'Ubuntu qui
détecte une installation de Windows ou de Linux, migre ses
utilisateurs/données et "convertit" le système en
Ubuntu ? Je me rends compte qu'il y a quelques obstacles à
surmonter dans le monde de Windows mais cela semble faisable d'une
distribution à l'autre. Que pensez-vous de cette
idée ?
Merci
d'avance.
Mark
Shuttleworth : Je pense
que c'est une excellente idée !
Gnu Parted ayant atteint le stade où je devrais lui faire
confiance pour redimensionner la partition NTFS de ma
grand'mère et créer une nouvelle partition ext3
pour Ubuntu, l'étape suivant sera de déplacer le
maximum de ses données vers la nouvelle partition Linux
d'une manière raisonnable, autant que possible.
Il y a des choses faciles à faire, comme le papier peint,
les polices, le dossier personnel et d'autres choses utiles qui peuvent
être migrées pour préserver son
environnement de travail et le garder aussi familier que possible.
Bonne chance !
Le
tout gratuit -- quel est le
business plan ?
question de HoserHead
Comment
Canonical prévoit de
gagner de l'argent ? Ubuntu
semble être complétement et
foncièrement libre et gratuit. Dans mon esprit au moins les
business plan "les services paieront le développement" pour
les logiciels libres sont passés de mode quand la bulle
internet a éclaté. Comment votre entreprise
va-t-elle faire ?
Mark
Shuttleworth : Vous avez
raison qu'il est improbable que le
modèle "les services paieront le développement"
fonctionne très bien pour des applications
isolées. Pour une distribution entière cependant
c'est un peu différent, parce que le nombre d'utilisateurs
est potentiellement beaucoup, beaucoup plus élevé
que le nombre d'utilisateurs de, par exemple, un serveur web ou une
application de base de données.
Canonical fournit de l'assistance pour Ubuntu mais, plus important,
nous fournissons de l'assistance aux entreprises qui fournissent de
l'assistance pour Ubuntu. L'idée est de créer un
écosystème de gens qui collaborent autour du
logiciel libre. Vous pouvez voir les débuts de cet
écosystème sur cette
page
de
prestataires de
service sur Ubuntu,
et j'espère que l'évolution va continuer
à être aussi rapide qu'elle l'a
été depuis le succès de Warty.
Pour être viable il faut entre autres veiller à
peu
dépenser, donc nous focalisons nos ressources sur le
développement et le support, pas sur le marketing ou les
dépenses de bureau. Les gars vous diront que je suis un type
radin lorsqu'il s'agit des fanfreluches (Canonical One n'appartient en
fait pas à Canonical :-).
J'aimerais beaucoup faire en sorte que ce projet de distribution soit
viable, parce que je n'ai jamais eu le privilège de
travailler avec des gars aussi talentueux et qui travaillent aussi dur
que dans cette équipe. Ils méritent
d'être récompensés et de savoir que les
gens apprécient ce qu'il apportent chaque jour. Si
ça ne fonctionne pas de cette manière, je serai
honoré de considérer cela comme un cadeau de
remerciement au monde du logiciel libre, qui a joué un
rôle si important en m'aidant à créer
Thawte. J'espère donc que c'est du business, bien que
cela puisse tourner à la philanthropie. Quoi qu'il en soit,
c'est toujours moins cher que d'aller dans l'espace, ou de s'enticher
d'avions/bateaux/femmes, ce qui sera je pense le plan B.
Ma
question pour Mark
question de Recovery1
Je
suis curieux de savoir comment les
particuliers et le monde des
affaires ont répondu à la campagne du libre que
vous avez lancé. Y a-t-il eu quelques succès ou
échecs interessants qui ont
encouragé/découragé votre campagne ?
Je
serai également curieux
d'entendre qui vient d'Afrique du
Sud parmis mes collègues slashdotters. Comment son appui en
direction du libre a fait avancer les choses au sein de la
communauté informatique ?
Je
suis interessé car je me
suis récemment
trouvé moi-même dans la situation où je
ferai la promotion du libre dans ma propre communauté.
Mark
Shuttleworth : La
campagne "Go Open Source", qui a
été financée conjointement par la
Fondation
Shuttleworth et HP, le CSIR et Canonical, a eu un excellent
écho en Afrique du Sud. J'espère que
ça a aidé à amener l'Afrique du Sud
sur le front de la révolution du libre, en terme
de nombre d'utilisateurs lambda intéressés par le
libre.
Peut-être que d'autres pays lanceront leurs propres campagnes
"Go Open Source" -- Ils seront les bienvenus pour utiliser
l'émission télévisée que
nous avons créée, ou n'importe quelle autre des
idées telles que la Freedom League (ligue pour la
liberté) et le Freedom Toaster (le grille-pain libre), ou
peut-être qu'ils donneront plus d'importance à la
Journée du Logiciel Libre au mois de Septembre.
J'ai des tonnes de gens qui m'arrêtent encore dans la rue au
Cap, mais au lieu de demander "comment c'est l'apesanteur" ils veulent
en savoir plus à propos du libre. La réponse
à ces deux question ? "Libération" :-)
Est-ce
que ça vaut le coup ?
question de jmichaelg
Deux
questions :
1)
Vous demander "cela vaut-il le
coup ?" amènera une
réponse affirmative quel que soit ce que vous pensez
vraiment, alors permettez-moi de vous demandez ce qui fait que ce vol
vaille 20 millions de dollars ?
2)
Combien paieriez-vous pour y aller
une seconde fois ?
Mark
Shuttleworth : Je ne sais
pas quel est votre niveau
d'intérêt à propos de l'espace et des
vols spaciaux, mais pour moi ils ont toujours été
une source de grande fascination et d'imagination. Même si
vous croyez en la réincarnation vous devez admettre qu'il
est pertinent de profiter au maximum de cette vie, et pour moi cela
signifie entreprendre les projets les plus grands, les plus effrayants
et les plus audacieux possible.
L'espace était tout cela.
Je me souviens volant en Russie pour la première fois,
devant un époustouflant coucher de soleil, et me demandant
pour quelle raisons quelqu'un voudrait passer des mois
sur une base militaire russe à se battre contre la
bureaucratie et les efforts physiques pour aller en orbite. Cela semble
stupide d'avoir une vie relativement luxueuse et de la mettre en jeu.
Mais en même temps je savais que si je n'avais pas fait un
réel effort pour faire ça, je passerai le reste
de ma vie à me demander à quoi ressemble la
sensation de puissance d'un décollage orbital, la vue de
l'exquise beauté de la terre flottant dans l'espace, et
l'expérimenter de la violence de la
ré-entrée de la capsule [ndt - dans
l'atmosphère].
Lorsque j'y repense je n'arrive pas à croire que j'ai pu
avoir autant de chance. Cette année en Russie, avec ces
négociations "un coup c'est oui, un coup c'est non", m'a
appris beaucoup en terme de patience et de
stratégie. L'exigence physique de l'entraînement,
en plus d'avoir à apprendre le Russe conversationnel et
opérationnel ainsi que le boulot de cosmonaute sont des
choses uniques qu'un passionné comme moi ai pu
expérimenter. Je ne peux pas imaginer un autre projet qui
ait pu être aussi décourageant pour se
révéler finalement si enrichissant. J'avais la
chance d'être dans la Cité des Etoiles en
même temps qu'un gros paquet d'astronautes de la NASA/ESA et
de cosmonautes étaient en train de se préparer
pour leurs propres missions, liant des relations amicales avec des
personnes dont j'aurais autrement envié la vie pour
l'éternité. Je les envie toujours, mais c'est
parce qu'ils y retournent régulièrement :-) J'ai
eu la chance d'être là à temps pour
prendre le dernier Soyuz TM, parce que la
génération suivante de Soyuz, le TMA, a
très peu besoin de manipulations de la part de celui qui
pilote. Voler sur le TM signifiait que j'avais plus d'occasions de
travailler avec l'équipage et que je pouvais prendre plus de
responsabilité en vol.
Le vol en lui-même est un tel cadeau que j'imagine facilement
les gens faisant la queue pour des vols sub-orbitaux lorsqu'ils seront
réellement sur le marché. La vue de la terre
depuis l'espace est à couper le souffle, et ça
change votre vie. Trois minutes dans l'espace changerons votre point de
vue, je vous le garantis, sur notre manière d'agir avec les
autres et le monde. Alors imaginez dix jours en orbite, dont les
premiers dans le petit Soyuz qui tourne cul par dessus tête
pour maintenir son cap par rapport au soleil, donnant ainsi l'amusante
sensation d'être à la fois en apesenteur et dans
un sèche-linge au ralenti. Imaginez d'apprendre à
vivre et à travailler dans un environnement qui est
à la fois dangereux et paisible. Imaginez que vous utilisez
une connexion VOIP pour appeler vos meilleurs amis depuis votre orbite,
entre des expériences scientifiques et les moments
où vous menez des observations terrestres. Ca a
duré dix jours, mais c'est passé à
toute vitesse.
D'un point de vue sensations fortes, la ré-entrée
dans un Soyuz est vraiment imbattable. Vous arrivez à mach
25 lorsque l'atmophère vous attrape. Vous voyez le noir de
l'espace devenir rouge terne lorsque la température
s'élève autour de votre engin. Le Soyuz est
conçu pour s'orienter correctement de lui-même
pour la ré-entrée, bien que ce soit un vaisseau
inerte sans contrôle d'attitude, et vous sentez le vaisseau
osciller pour s'assurer que le bouclier thermique soit
exposé au maximum. Vous regardez alors votre vaisseau
spatial se désagréger et prendre feu autour de
vous, et la force gravitationnelle
s'accentue jusqu'à ce que vous soyez dans un enfer avec les
disques-durs que vous avez ramené qui pèsent une
tonne sur votre poitrine, et le Soyuz tourne comme une toupie pour
répartir la chaleur uniformément sur le bouclier.
Vous regardez les boulons et autres pièces de
métal à l'extérieur qui fondent et ce
liquide court sur votre fenêtre avec de se boursoufler et
noircir. C'est un incroyable spectacle de forces totalement en dehors
de votre contrôle, avec vous, simple fourni, au milieu
du feu d'artifice. Vous savez que votre survie est totalement
dépendante des personnes qui ont bâti cette
machine, et que vous ne pouvez personnellement rien faire si
ça vient à se disloquer. C'est une
sacrée balade.
Combien je serais prêt à payer pour voler
à nouveau ? Premièrement je ne
répéterais pas simplement ce que j'ai fait avant.
Je voudrais me frotter à de nouveaux défis,
peut-être voler dans un engin différent ou avec
des responsabilités différentes dans un Soyuz. Et
il est probable que je veuille mener l'engin vers un profil de mission
différent -- Ce qui voudrait dire que ce ne serait pas le
genre de voyage que vous pouvez réserver sur Expedia. Comme
pour tout, je négocierais le meilleur prix possible pour le
projet, et je traiterais avec les meilleures personnes pour le job, que
ce soit Burt Rutan ou RosAviaKosmos et Energia.
Est-ce que 20 millions de dollars est abordable ? Ca dépend
de ce que vous pouvez vous offrir, et de quelles sont vos alternatives.
Aller
dans l'espace ou réparer
la terre ?
question de gspr
En
tant qu'astronaute, vous devez
avoir été
attiré par les mystères de l'univers au
delà de notre propre planète. Mais en tant que
sud africain, vous devez également être
intéressé par les problèmes auquel
fait face votre continent (Je SAIS que cela semble très
ignorant et occidental, mais je n'essaie pas de dire que "l'Afrique est
un endroit plein de problèmes", je me
réfère juste aux énormes
problèmes qui existent sur une large portion du continent).
Pensez-vous
que l'exploration
spatiale peut être
justifiée quand tant de gens souffrent ici sur terre ? Et
pourquoi ? C'est une question importante pour moi, parce que je
rêve de l'espace, et je pense fermement que
l'Humanité doit explorer ce qui est possible. Pourtant, j'ai
un problème moral (que j'ignore simplement pour le moment,
au nom de la poursuite de mon rêve) pour justifier
l'utilisation d'énormes quantités de ressources
alors que des milliards de personnes ici sur terre manquent
d'accès à l'eau potable, et que des millions sont
infectés par le VIH.
Mark
Shuttleworth : Je pense
que j'aime l'Afrique plus qu'un
américain aime l'Amérique -- malgré
ses problèmes. Et oui, il y a beaucoup de
problèmes, ils sont plus faciles à voir que ceux
auquels font face les pays développés. Mais
l'Afrique n'est pas uniquement le Darfour et le Zimbabwé, de
même que l'Amérique n'est pas que McDonalds et
Shock-and-Awe (ndt - "choc et crainte", nom
générique
des crimes de guerre américains contre les civils). Je vous
recommande vraiment
de prendre le temps de voyager jusqu'au Cap, à Zanzibar, au
Ruwenzori ou dans les régions montagneuses d'Ethiopie, et
découvrez par vous-même.
Ce qui est interessant à propos de l'Afrique c'est qu'elle
présente de formidables opportunités. Dans 50
ans, les 2 milliards d'habitants du continent auront, je pense, une
forte position économique et géographique. Le
continent possède tout ce dont il a besoin pour subsister et
prospérer. Il faut de bons leaders, un traitement
équitable de la part du reste du monde du commerce, et du
temps. Je suis assez confiant dans le fait que nous verrons de notre
vivant l'Afrique
se débarrasser de son image de tragédie et
d'imposture, et de la remplacer par un
mélange tentant de prospérité et de
qualité d'âme.
Vous demandez si vous pouvez justifier les vol spatiaux alors que le
monde fait encore face à des problèmes basiques
d'alimentation, d'éducation et d'emploi pour des millions de
ses habitants, et alors que nous détruisons activement les
habitats de milliers d'autres espèces avec lesquelles nous
partageons la planète. C'est une question difficile. La
réponse standard parle de la manière dont
l'exploration spatiale a changé notre monde dans le bon
sens, dans tous les domaines, de l'ingénierie des
matériaux jusqu'à la géographie et les
sciences de l'alimentation. Mais je pense que la plus importante
réponse tient au fait que ce qui fait tourner le monde c'est
la volonté, pas les ressources.
J'ai vu des écoles en Afrique du Sud qui n'avaient rien, qui
se débrouillent toujours pour sortir des
diplômés de premier rang année
après année alors que l'école
d'à côté, qui est tout aussi pauvrement
dotée, n'obtient pas un seul élève
reçu. C'est la
volonté des membres de ces équipes qui fait la
différence. Et une grosse part de la volonté est
d'aspirer à quelque chose, de vivre pour quelque chose.
L'espace, et l'exploration humaine du système solaire et de
l'univers, sont des motivations extraordinairement puissantes. J'ai
appris cela en premier lieu avant de voler, quand un vieil homme qui a
subi le pire de l'apartheid durant sa vie m'a serré dans ses
bras et m'a demandé de l'emmener dans l'espace avec moi,
puis il m'a dit que ses enfants travaillent très dur en math
et en science pour qu'ils puissent eux aussi un jour avoir cette
opportunité. J'espère aussi.
Efforts
communs ?
question de meggito
De
quelle manière les nations
africaines travaillent
ensemble pour promouvoir la croissance technologique ? Ont-elles mis en
place des initiatives communes, ou est-ce prévu, ou les
nations travaillent-elles encore indépendamment au lieu de
bâtir une infrastructure commune ? Est-ce que les
méthodes actuelles sont des réussites ou
pensez-vous qu'ils devraient changer la manière dont le
continent aborde ses défis technologiques, qu'ils soient
spécifiques ou communs.
Mark
Shuttleworth : Malheureusement
il n'y a pas assez d'efforts faits
en Afrique pour profiter de la majeure partie des extraordinaires
changements technologiques vus ces cinq dernières
années. Le Nepad a fait naître quelques espoirs,
mais il semble perdu dans la bureaucratie. Je pense que les petits pays
vont devoir innover et ouvrir la voie en
matière de réglementation pour attirer les
investissements dans les télécoms et
l'innovation, notamment en matière de VOIP, Wi-Max et autres
percées technologiques. J'aurais aimé avoir une
réponse plus optimiste.
La
fracture numérique
question de Rico_za
Ubuntu,
SchoolTool, Translate.org.za
sont quelques uns des projets que
vous soutenez et qui semblent attaquer de front la fracture
numérique. Avez-vous des vues ou des idées sur la
manière de rendre l'accès à Internet
meilleur marché afin que plus de personnes dans les pays en
développement puissent y avoir accès ? Plus
précisément, y a-t-il un quelconque projet pour
convaincre le gouvernement sud africain qu'il
serait bon pour
tout le monde de ne pas
sur-réguler l'industrie des télécoms ?
Mark
Shuttleworth : Lorsqu'il
y a un changement substantiel dans une
industrie, il y a des opportunités pour de nouveaux leaders
d'émerger. La transition globale vers le libre est juste une
de ces opportunités. J'ai vraiment bon espoir que l'Afrique
du Sud saisira sa chance pour mener [le pays?] dans la
révolution du libre. Il va y avoir un changement important
dans les besoins en compétences informatiques, et chaque
pays qui prend l'initiative maintenant en
bénéficie de manière significative, de
par les investissements, la délocalisation et
l'amélioration de l'efficacité interne.
Je répondrai à la partie
télécoms de votre question avec la suivante.
L'accès
Internet en Afrique du
Sud
question de kobus
Bonjour
Mark;
C'est
une question en forme
de suggestion.
Je
suis programmeur en Afrique du
Sud, travaillant dans la Baie.
J'avais
déjà eu une
connexion Internet par
téléphone en Afrique du Sud en 1994. Pourtant
depuis presque rien n'a changé. En fait l'accès
à Internet est épouvantable. Il est
très cher comparé au revenu de la classe moyenne,
et le RNIS et l'ADSL sont à la fois trop chers et
pathétiquement lents.
L'accès
Internet
pénalise réellement
notre pays ! Je pense qu'il est crutial pour les écoles et
les familles d'avoir accès à un meilleur Internet.
En
tant qu'entrepreneur sud africain
et personne ayant du
succès dans l'industrie informatique, avez-vous
déjà réfléchi à
ce problème, ou envisagé de lancer une initiative
pour fournir un meilleur accès à l'Internet ?
Mark
Shuttleworth : Clairement,
avec un des monopoles
télécom les plus chers et les plus profitables du
monde, encore fermement retranché en Afrique du Sud, nous
avons besoin d'agir fermement. L'année dernière
le gouvernement sud africain à fait un grand pas en
direction de la dérégulation, mais il a
considérablement atténué cette
initiative à la dernière minute. Je
présume qu'il y a un débat qui continue en
interne par exemple pour trouver le bon plan d'action, et
malheureusement il faut beaucoup de temps à ceux qui sont
en faveur d'une dérégulation audacieuse pour
faire entendre leurs arguments.
Les sujets critiques dans l'année qui vient seront la
tarification du trafic international via les câbles
sous-marins, qui continue à être un monopole bien
dissimulé, ainsi que le contrôle et le prix de
l'accès à la paire de cuivre sur le dernier
kilomètre actuellement confiée à la
société Telekom. J'espère que SATRA,
le régulateur télécom sud africain,
autorisera l'accès à de nouveaux
opérateurs pour les paires de cuivre sur le dernier
kilomètre pour un petit prix. Cela a
été fait en France avec beaucoup de
succès, où je crois que l'abonnement mensuel
maximum que l'opérateur sortant puisse demander est autour
de 10 euros. En Afrique du Sud ça devrait être
moins. En plus, j'aimerais voir le SATRA octroyer la bande passante
internationale, qui est actuellement un monopole, lors d'une vente aux
enchère annuelle et ouverte.
En outre, j'aimerais voir un travail proactif fait sur le Wi-Max, le
Wifi et l'ouverture générale du spectre pour
stimuler l'investissement dans le potentiel d'un monde sans fil
à large bande. L'opportunité existe, mais on
ignore si les autorités de régulation ont ou non
les compétences et la volonté de mener cela
à bien.
Le
libre au service de la santé
?
question de msphor
Je
travaille beaucoup en Afrique du
Sud et dans d'autres parties de
l'Afrique sur des systèmes informatiques du secteur
médical. Il y a un besoin urgent de systèmes
informatiques libres pour les traitements du SIDA et pour la gestion
des systèmes de santé. Les solutions
propriétaires existantes sont chères, non
pertinentes, non modifiables et ne tiennent pas compte des
possibilités locales.
Seriez-vous
disposé à
passer de projets libres
éducatifs à des projets dans le domaine de la
santé ? Je connais des personnes en Afrique du Sud, au
Kénya, en Zambie, en Ethiopie et dans d'autres pays qui sont
prêtes à participer.
Mark
Shuttleworth : J'encourage
évidemment l'utilisation du
libre par les gouvernements partout où c'est possible. Et il
y a en fait un projet pilote au ministère de la
santé sud africain qui est devenu un succès
accidentel du libre - Je dis accidentel parce que je ne pense pas que
les officiels en charge du projet se rendaient compte du potentiel,
mais ils ont acceptés de laisser les développeurs
travailler sur cette base et maintenant ce petit outil est
utilisé dans plusieurs pays sur le continent.
J'espère que c'est un indicateur de ce que le futur nous
réserve.
J'ai pour règle de ne pas financer les travaux du secteur de
la santé en Afrique du Sud, parce que je veux former une
équipe stable dans le temps pour la
Fondation,
et je
pense que
l'éducation est déjà un morceau
suffisamment gros à digérer. Une fois que nous
aurons une bonne expérience dans l'éducation (TuxLabs,
SchoolTool et d'autres projets sont un bon début) nous
pourrons nous développer dans d'autres domaines d'action
sociale et d'innovation.
Merci à tous pour ces questions -- Mes excuses pour avoir
mis autant de temps pour y répondre !
Traduction par David
Taillandier http://domainename.com
Avec l'aide de : Cardigans featuring Tom Jones - Burning Down The House
Relecture et correction par Alexis Kauffmann http://www.framasoft.net
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