GPL version 3 : contexte de
son adoption
Par Richard Stallman et Eben Moglen
Boston, USA - jeudi 9 juin 2005
Texte original publié sur
le site de
la FSF.
La "GNU General Public License"
(la GPL, "licence publique générale") est
restée inchangée, au stade de la version 2,
depuis 1991.
C'est une longévité extraordinaire pour un
document
légal très largement utilisé. La
longévité de la GPL est encore plus surprenante
si on
prend en considération les différences entre le
mouvement
du logiciel libre à l'époque de la publication de
la
version 2 et la situation qui prévaut en 2005.
Richard M. Stallman, fondateur du mouvement du logiciel libre et auteur
de la GPL, a publié la version 2 en 1991 après
avoir pris
des conseils juridiques et recueilli l'avis de développeurs
à propos de la version 1 qui était
utilisée depuis
1985. Il n'y a pas eu alors de processus formel de critique publique ni
de période de transition significative. La Free Software
Fondation (FSF, fondation pour le logiciel libre) a
immédiatement pris en compte la nouvelle licence pour les
composants du projet GNU, qui comprenait la plus grande collection de
logiciels libres existant à ce moment-là. En
Finlande,
Linus Tovarlds a adopté la GPL version 2 pour son noyau de
système d'exploitation appelé Linux.
C'est aujourd'hui bien différent. La GPL est
utilisées par
des dizaines de milliers de projets logiciels de par le monde, parmis
lesquels le système GNU de la Free Software Fondation est
une
toute petite fraction. Le système GNU, lorsqu'il est
combiné avec le Linux de Linus Tovarld -- qui est devenu un
noyau de pointe pour système d'exploitation, flexible et
hautement portable -- tout comme Samba, MySQL et les autres programmes
sous GPL, offre une fiabilité et une adaptibilité
supérieures à celles des systèmes
d'exploitation
Microsoft, à coût insignifiant. Des logiciels sous
GPL
fonctionnent sur ou sont embarqués dans des appareils allant des
téléphones portables, des PDA et des routeurs
domestiques
jusqu'aux mainframes et aux grappes de supercalculateurs. Des
éditeurs de logiciels indépendants interagissent
avec
la GPL,
ainsi des vendeurs et acheteurs d'informatique à
destination des grandes entreprises, et une proportion
étonnamment grande d'utilisateurs personnels.
Depuis 1991 une profusion de licences de logiciels libres a
été développée. Mais pas
dans la zone
couverte par la GPL. L'aspect "share and share alike" (partagez, et
à l'identique) ou "copyleft" (jeu de mots signifiant "gauche
d'auteur") de la GPL est sa caractéristique
fonctionnelle la plus importante, et ceux qui veulent utiliser une
licence copyleft pour les logiciels prennent la GPL à une
écrasante majorité plutôt que
d'inventer la leur.
Mettre à jour la GPL en 2005 est donc une tâche bien
différente de la mise à jour en 1991. Les
principales raisons
qui ont conduit à réviser la GPL, et les espoirs
portés par ces changements sont matières à un
autre article. Nous aimerions nous concentrer pour le moment sur les
aspects institutionnels
et procéduraux du changement de licence. Aspects
complexifiés par le fait que la GPL sert quatre objectifs
différents.
* La GPL est une licence d'envergure
mondiale
En tant que document légal, la GPL est utilisée
dans un
but que la plupart des rédacteurs juridiques feraient tout
pour
éviter : elle accorde une licence pour que des
éléments protégés par
droits d'auteurs
puissent être modifiés et distribués
dans tous les
systèmes de protection de droits d'auteurs du monde.
Généralement les éditeurs n'utilisent
pas de
licence ayant une portée mondiale ; pour chaque
système
de droits d'auteurs dans lequel leurs travaux sont
distribués,
les termes des licences sont modifiés pour correspondre aux
exigences locales. Les éditeurs mettent rarement sous
licence
des travaux dérivés d'autres travaux ; lorsqu'ils
le
font, ces licences sont adaptées aux cas précis,
factuels
et légaux. Mais le logiciel libre nécessite des
disposition légales qui permettent aux travaux
protégés par droits d'auteurs de suivre des
trajectoires
arbitraires, qu'elles soient géographiques ou
génétiques (sic). Les versions
modifiées des
logiciels libres sont distribuées de la main à la
main
par delà les frontières selon un
déroulement
qu'aucun titulaire de droit d'auteur ne peut suivre.
La version 2 de la GPL à relativement bien rempli sa mission
de
globalisation, parce que sa conception était
élégamment limitée à un jeu
minimal de
principes de droits d'auteurs, que les signataires de la convention de
Bern doivent offrir sous une forme ou une autre dans leur
législation nationale. Mais la GPL2 était une
licence
élaborée par un profane américain et
ses
conseillers juridiques, surtout concernés par les lois
américaines. Dans la mesure du possible, et sans changements
fondamentaux, la GPL3 devra faciliter l'internationalisation, se
rapprochant ainsi plus complétement de l'idéal
pourtant
non visé d'une licence globale de droits d'auteurs.
* La GPL est un code de conduite pour
les
distributeurs de logiciels libres
Au delà des autorisations légales que la GPL
étend
à ceux qui souhaitent copier, modifier, et partager du
logiciel
libre, la GPL renferme également un code de conduite
à
destination des industriels concernant les pratiques de distribution.
La section 3, qui explique comment rendre le code source disponible tel
que requis par la licence, influe sur les décisions pour
l'emballage des appareils contenant du logiciel libre, tout comme pour
ceux qui distribuent des compilations incluant à la fois des
logiciels libres et non libres. La section 7, qui concerne les effets
des licences, jugements, et autres obligations légales
incompatibles avec la GPL par rapport au comportement des
éditeurs de logiciels, affecte les dispositions sur les
brevets
en connexion avec les standards industriels. Et ainsi de suite,
à travers un éventail d'interactions entre les
exigences
de la licence et l'évolution des pratiques de vente de
matériels et de logiciels.
La Free Software Foundation, à travers la maintenance et le
contrôle du respect de la GPL, a contribué
à
l'évolution des comportements de l'industrie au
delà de
son influence de créateur de logiciels. En
révisant la
GPL, la fondation modifie inévitablement les règles d'un
marché où les acteurs sont de tailles très
différentes et poursuivent des intérêts souvent
divergents. Le processus de rédaction et d'adoption
des
changements de la licence doit donc rester proche des
critères
standards, ou des définitions des "meilleures pratiques",
tout en restant proche de la rédaction classique d'une licence
de droits d'auteurs.
* La GPL est la constitution du
mouvement du
logiciel libre
La Free Software Foundation n'a jamais hésité
à
faire remarquer que ses buts sont essentiellement sociaux et
politiques, et non pas techniques ou économiques. La
fondation
croit que le logiciel libre -- c'est à dire les logiciels
qui
peuvent être librement étudiés,
copiés,
modifiés, réutilisés,
redistribués et
partagés par ses utilisateurs -- est la seule forme
satisfaisante de développement logiciel d'un point de vue
éthique, tout comme la recherche scientifique libre et
ouverte
est le seul contexte satisfaisant d'un point de vue éthique
pour
mener des études en mathématique, physique ou
biologie.
La fondation, et ceux qui soutiennent ses travaux plus
généraux, considère le logiciel libre
comme un pas
essentiel dans un mouvement social pour un accès plus libre
à la connaissance, un accès plus libre aux moyens
de
communication, et une culture plus profondément
participative,
ouverte aux êtres humains en portant moins d'attention sur la
répartition actuelle des richesses et du pouvoir social. Le
mouvement
du logiciel libre a tiré parti des conditions sociales de
son
époque pour fonder son programme sur la création
de
vastes nouvelles richesses, à travers de nouveaux
systèmes de coopération qui peuvent à
leur tour
être partagés pour servir à
créer de
nouvelles richesses dans une boucle de rétroaction positive.
Ce programme n'est évidement pas universellement
partagé
par toutes les parties bénéficiant de
l'exploitation des
nouvelles richesses créées par le logiciel libre.
Le
mouvement du logiciel libre n'a jamais protesté contre les
bénéfices indirects revenant à ceux
qui ne sont
pas d'accord avec les buts du mouvement : une des leçons
importantes apprises par ceux qui on combattu de longue haleine pour la
liberté d'expression à l'ouest, c'est la valeur
de
travailler avec, et non contre, les intérêts et
préoccupations économiques conventionnels. Mais
les buts
propres au mouvement ne peuvent pas être
subordonnés aux
intérêts économiques de nos amis et
alliés
dans l'industrie, encore moins de ceux qui ont contribués
occasionnellement pour des raisons qui leur sont propres. Les
changements entrepris dans la GPL, quelles qu'en soient les raisons,
ne doivent pas contrecarrer le mouvement sous-jacent pour un
échange
plus libre des connaissances. Dans la mesure où le mouvement
a
identifié des mesures technologiques ou légales
risquant
de porter préjudice à la liberté,
telles que le
"trusted computing" (l'informatique de confiance) ou une extension de
la portée des brevets, la GPL doit prendre en
considération ces problèmes en respectant avant tout les
principes politiques et les besoins du mouvement, et non en s'occupant
en premier des conséquences industrielles ou commerciales.
* La GPL est l'oeuvre écrite
de Richard M.
Stallman
Certaines licences de droits d'auteurs sont sans doute connues, dans le
cercle restreint d'une entreprise ou d'un bureau d'avocats, comme
étant la réalisation de la
perspicacité ou des
idées d'une seule personne. Mais il est presque
sûr qu'il
n'y a pas d'autre licence de droits d'auteurs dans le monde qui soit si
fortement associée à la réussite et à la
philosophie d'un unique personnage emblématique.
Monsieur
Stallman reste l'auteur de la GPL, avec tous les droits pour
préserver son intégrité en tant que
travail
représentant son invention tout comme n'importe quel autre
auteur ou créateur. Sous sa direction, la Free Software
Foundation, qui détient les droits d'auteurs de la GPL,
coordonnera et dirigera le processus de ses modifications.
* Conclusion
La GPL vise, et doit continuer à viser, de multiples
objectifs.
Ces objectifs sont fondamentalement divers, et ils sont
inévitablement en conflit. Le développement de la
GPL
version 3 est un processus qui a commencé il y a longtemps au
sein de la
Free
Software Foundation ; avec nos collègues, nous n'avons
jamais
cessé de prendre en considération de possibles
modifications. Nous avons consulté, de manière
formelle
et informelle, un très large éventail de
participants
dans la communauté du logiciel libre, aussi bien des
industriels
que des personnes du monde de l'éducation ou des hobbistes.
Ces
conversations ont eu lieu dans un grand nombre de pays et dans
plusieurs langues, durant presque deux décennies, pendant
que la
technologie du développement logiciel et de sa distribution
changeait autour de nous.
Lorsqu'un brouillon de la GPL3 sortira, le rythme de ces conversations
changera, puisque des points particuliers deviendront le centre des
débats. Avant de publier un premier brouillon, la fondation
rendra publique la procédure par laquelle elle compte
rassembler
les critiques et suggestions. La Free Software Foundation
reconnaît que la mise à jour de la GPL est un
moment
crucial dans l'évolution de la communauté du
logiciel
libre. La fondation compte assumer ses responsabilités
devant
les concepteurs, distributeurs et utilisateurs de logiciels libres. En
procédant ainsi nous comptons entendre tous les points de
vue
pertinents, et prendre des décisions reflétant
les
nombreux objectifs disparates que la licence doit viser. Notre
priorité reste, comme c'est le cas depuis le début, la
création et la protection de la liberté. Nous
reconnaissons que la meilleure protection pour la liberté
est
une communauté du libre grandissante et
énergique. Nous
utiliserons la méthode de discussion publique pour les
brouillons de la GPL3 afin de soutenir et alimenter la
communauté
du libre. La culture propriétaire impose des technologies, ainsi
que le contenu des licences ; le logiciel libre permet aux
gens de
comprendre, expérimenter et modifier les logiciels, ainsi
que
d'être impliqué dans les débâts autour des
questions
juridiques. Les idées de tout le monde peuvent donc
contribuer
au bien commun, et le développement de chacun contribue au
développement de tous.
Propriétaire des droits : Richard Stallman et Eben Moglen,
2005.
Une copie mot à mot (verbatim) de cet article (en langue
anglaise) est
permise sur tout médium, tant que cette notification est
préservée.
--
A propos de la Free Software Foundation : La Free Software Foundation,
fondée en 1985, est dédiée
à la promotion
des droits des utilisateurs d'ordinateurs d'utiliser,
étudier,
copier, modifier et redistribuer les programmes d'ordinateurs. La FSF
promeut le développement et l'utilisation de logiciels
libres -
en particulier le système d'exploitation GNU et ses
variantes
GNU/Linux - ainsi que la documentation libre pour les logiciels libres.
La FSF aide également à faire progresser la prise
de
conscience des questions éthiques et politiques de la
liberté pour l'utilisation des logiciels. Leur site web www.fsf.org
est une source importante
d'informations à propos de GNU/Linux. Les dons pour soutenir
leur travail peuvent être fait sur http://donate.fsf.org
Le
siège de la FSF est à Boston, aux USA.
Traduction par David
Taillandier http://domainename.com
Relecture et correction par Alexis Kauffmann http://www.framasoft.net
Retour à la page
d'accueil